C’est un programme national qui s’étend sur une superficie de plus de 70 km2. Paris-Saclay regroupe trois communautés urbaines réparties sur les départements de l’Essonne (91) et des Yvelines (78). Déclarée Opération d’Importance Nationale en 2009, lors de la création d’un Etablissement Public d’Aménagement (EPA) en 2010, le projet du Plateau de Saclay englobe plusieurs domaines : académique, économique et urbain. Un programme a été déployé sur plusieurs territoires reliés par le projet de la ligne 18 du Grand Paris Express. L’aide de l’État est énorme. Au total, l’investissement public s’élève à 5 milliards d’euros. Douze ans après le lancement de l’EPA Paris-Saclay, Actu-Juridique fait le point avec le directeur du développement Benoît Lebeau.
Actu-Juridique : Quelles sont les prémisses du développement urbain, économique et scientifique du plateau de Saclay ?
Benoît Lebeau : Le plan actuel du Plateau de Saclay exprime la volonté de l’Etat à la fin des années 1950 d’intervenir sur ce territoire. Dès cette époque, il avait l’ambition de fonder un grand pôle scientifique avec la création du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou encore des facultés des sciences d’Orsay. Et puis il y avait aussi une vision d’un développement d’une polarité métropolitaine. Elle se retrouve dans le plan d’aménagement de la région parisienne de Paul Delouvrier dans les années 1960. Il projette de créer une ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines à Massy. Enfin, seule la partie Est de ce projet a été réalisée avec la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. Dans la partie ouest, les institutions universitaires et scientifiques se sont poursuivies avec HEC, Polytechnique et CentraleSupélec. Au début des années 2000, l’État s’est remis à travailler sur le territoire. Il réfléchit donc à la mise en place d’une Opération d’Intérêt National (OIN), en s’écartant des intentions d’aménagement de Paul Delouvrier : le plateau de Saclay ne sera pas totalement urbanisé.
Actu-Juridique : Dans quel projet de développement s’inscrit actuellement le territoire de Paris-Saclay ?
Benoît Lebeau : La réflexion s’appuie sur un développement équilibré du territoire. Il y aura un volet pour la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers. L’aménagement s’effectuera autour des gares de la future ligne 18 du Grand Paris Express. L’OIN a été créée par le décret n° 2009-248 du 3 mars 2009. Il s’agit avant tout d’un périmètre réglementaire qui comprend des terres agricoles, des zones de développement et des zones d’activité existantes, notamment le parc d’activités de Courtaboeuf ou le parc d’activités de Trappes-Élancourt. . Le motif du projet de l’État est de fournir également de l’énergie à ces territoires économiques préexistants. Puis, en 2010, la loi du Grand Paris crée l’Etablissement Public d’Aménagement, chargé d’orienter et de coordonner le développement du pôle scientifique et technologique Paris-Saclay et d’assurer son rayonnement international. Le législateur a confié à l’EPA Paris-Saclay la mission de définir les surfaces nécessaires au développement de ce bassin. Les quartiers doivent être compacts, avec une forte mixité et de l’habitat. Ces zones prédéfinies, les autres territoires de Paris-Saclay, sont protégées : c’est la Zone Naturelle Agricole et Forestière de Protection (ZPNAF) du Plateau de Saclay qui est également inscrite dans la loi confiant à l’établissement de garantir la pérennité de l’activité agricole. La décision du Conseil d’État qui délimite cette zone de protection est contraignante pour les règlements d’urbanisme.
Actu-Juridique : Quels sont ces quartiers définis par Paris-Saclay et qui sont en cours de développement ?
Benoît Lebeau : Nous avons d’abord la bordure sud du plateau de Saclay, qui va se développer en trois zones d’aménagement coordonné (ZAC) : le quartier de l’École Polytechnique à Palaiseau, la ZAC de Moulon entre Orsay et Gif-sur-Yvette et la ZAC de Corbeville à Orsay. Ensuite, dans les Yvelines, nous développons des projets à Guyancourt autour de la future gare Saint-Quentin Est sur la ligne 18. Le quartier sera construit sur une friche industrielle du groupe Thales et une partie des terrains à proximité du Technocentre Renault. Nous voulons le développer en 2023. Enfin, à Versailles, nous avons un projet sur la friche militaire de Satory. Nous avons créé la ZAC Satory Ouest. De manière générale, tous ces quartiers seront desservis par la ligne 18 du Grand Paris Express. Nous avons recherché un équilibre entre la protection et le développement dans ce domaine. Enfin, nous sommes dans un rapport de 1 à 10 sur la consommation des surfaces agricoles et forestières. Nous avons confisqué 400 hectares de terres agricoles et forestières pour le développement et nous avons protégé plus de 4 000 hectares. Sans le ZNPNAF, 10 à 20 hectares par an étaient utilisés pour l’expansion urbaine.
Actu-Juridique : En quoi les différents territoires mentionnés sont-ils complémentaires malgré leur différence d’antériorité ?
Benoît Lebeau : En effet, quand on parle du territoire de Paris-Saclay, il peut être difficile de trouver un lien entre chacun d’eux. Nous avons souhaité travailler à cette échelle et dans les départements de l’Essonne et des Yvelines pour plusieurs raisons. D’abord, dans l’Essonne du plateau de Saclay, il y a surtout la recherche académique publique. Dans les Yvelines, la R&D est plutôt privée avec une forte implantation industrielle : Airbus à Élancourt, le Technocentre Renault à Guyancourt, le centre d’affaires de Vélizy avec l’industrie automobile et aéronautique, Air Liquide à Loges-en-Josas, etc. était de connecter ces deux communautés au service de l’innovation. Lorsque les travaux seront terminés sur la ligne 18, ces deux zones seront très proches, à moins de dix minutes. Il sera très facile de rejoindre la bordure sud du plateau de Saclay depuis Versailles. Pour nous, l’objectif est de connecter les filières de développement des Yvelines à celles de l’Essonne.
Actu-Juridique : Quels objectifs vous êtes-vous fixés en 2010 au moment de la création de l’EPA Paris-Saclay ?
Benoît Lebeau : L’objectif de la loi du Grand Paris était de créer un pôle scientifique et technologique à trois pôles. Tout d’abord, une composante académique très forte pour accompagner la structuration des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec une mise en œuvre continue. Ils rejoignent ceux créés depuis plusieurs années pour fédérer autour de deux pôles : l’Université Paris-Saclay d’une part et l’Institut Polytechnique de Paris d’autre part. Ce programme académique touche à sa fin. Dès la rentrée 2022, les deux dernières agences arrivées sur le plateau de Saclay ouvriront. Il s’agit de la Faculté de Pharmacie, Chimie et Biologie, issue de Châtenay-Malabry et d’AgroParisTech. L’objectif de ce regroupement d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche est de créer de l’activité économique et scientifique (l’Université Paris-Saclay est aujourd’hui classée 13e mondiale dans le prestigieux classement de Shanghai, première mondiale pour les mathématiques), afin que la France à l’international concours d’innovation.
En termes d’activité économique, nous avons depuis une dizaine d’années plusieurs antennes de grands centres de recherche privés. C’est notamment le cas d’EDF, d’IBM, des laboratoires Servier et de Danone qui renforcent leur présence sur le site en construisant un nouveau bâtiment. Nous travaillons également à l’accueil de start-up qui se développent sur le plateau de Saclay, en construisant de nouveaux bâtiments. Grâce à la programmation académique, nous comptons plus d’une centaine de start-ups dans la région chaque année. Notre défi est d’y rester présent et surtout de nous développer à l’international.
Enfin, nous avons le volet maison familiale. Nous l’aménageons selon le calendrier des travaux de la ligne 18 qui desservira la bordure sud du plateau de Saclay d’ici 2026. D’ici 2030, il desservira le territoire des Yvelines. Nous adhérons à ces objectifs. Sur le versant sud du plateau, 1 000 logements ont déjà été réalisés sur les 5 000 prévus à l’avenir. Nous passons à la vitesse supérieure avec ce programme. L’idée est de produire 500 logements par an pendant les six prochaines années. De plus, dès l’année prochaine, nous construirons 600 logements à Palaiseau. Ce volet s’accompagne d’un important programme de logements étudiants. A terme 12 000 lits étudiants, dont 7 000 déjà réalisés. Ensuite, les services et les entreprises commencent maintenant à se développer. Dans certains endroits, la vie urbaine commence à faire son apparition.
Actu-Juridique : Quel bilan faites-vous de votre activité depuis la création de l’Établissement public d’aménagement Paris-Saclay ?
Benoît Lebeau : Par rapport à la feuille de route initiale, nous terminons une première phase nécessaire. Il est impulsé par l’Etat avec des investissements destinés à l’immobilier des établissements d’enseignement supérieur et aux infrastructures avec la ligne 18. Cette première phase touche à sa fin et l’investissement privé va prendre le dessus. Aujourd’hui, l’objectif d’attractivité en termes de développement économique commence vraiment à se concrétiser. Désormais, sur la carte mondiale de l’innovation, il y a le territoire de Paris-Saclay. Nous sommes très bien positionnés. Des investisseurs étrangers sont intéressés par notre projet. Aujourd’hui, notre défi est de construire la ville autour des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Cette étape de création d’une vie urbaine que l’on veut inclusive prend plus de temps. Il est linéaire avec la livraison des logements et de la ligne 18. Il doit surtout permettre de réaliser des solutions dans les domaines de la construction, de l’énergie, de la mobilité et de l’environnement à même de répondre aux enjeux de la transition énergétique et du développement durable.
Actu-Juridique : À quel moment pourra-t-on dire que le pôle scientifique et technologique de Paris-Saclay est abouti ?
Benoît Lebeau : Nous visons la réalisation du campus urbain en bordure sud du plateau en 2035. Nous avons encore une bonne dizaine d’années devant nous. Nous y travaillons depuis longtemps. Nous sommes souvent soumis à des jugements hâtifs de la part de personnes qui considèrent les progrès et la réalisation tels qu’ils sont sans planification à long terme. C’est compréhensible et la gestion à long terme est assez complexe. Nous avons un objectif assez lointain, mais aujourd’hui nous devons réussir à intensifier notre utilisation. C’est ce qui rend possible l’arrivée du logement. Il y a déjà des changements concrets dans le domaine. De nombreux commerces sont ouverts depuis un an. La vie urbaine prend son envol, notamment dans le centre commercial Pierre-Potier dans le quartier du Moulon à Gif-sur-Yvette et autour de la place Marguerite-Perey à Palaiseau.