Photo : Seydou Camara ; A droite, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, directeur artistique des Rencontres de Bamako
Les Rencontres de Bamako sont la plus importante manifestation internationale africaine consacrée à la photographie contemporaine et aux nouvelles images. Elles rassemblent 75 artistes issus de tout le continent.
Malgré le contexte difficile, le gouvernement de transition a préservé l’événement culturel Les Rencontres de Bamako, fondé en 1994 et suspendu depuis 2019 en raison de la crise sanitaire. Depuis sa création, cet événement a toujours su faire preuve de résilience et de résistance, et a cherché à trouver des réponses aux principales interrogations sur l’avenir d’un continent pris dans des crises multiformes caractérisées par l’extrémisme violent et le terrorisme : « La culture met la personne au centre des rencontres veulent renforcer l’image du Mali dans sa lutte pour le panafricanisme, la solidarité et la paix universelle.. C’est un vecteur de développement, d’intégration et de dialogue interculturel au service de la paix », déclare Cheick Diallo, chef de délégation et fondateur de l’African Designers Association (ADA), qu’il préside depuis 2004.
Organisées par le Ministère de la Culture du Mali, l’Association Rencontre des Arts, l’Institut Français, la Coopération Suisse et l’Union Européenne, les rencontres de Bamako auront lieu au Musée National du Mali, Maison de la Photographie Africaine, par le chemin de fer de Bamako. Gare, Musée Régional de Bamako, Mémorial Modibo Keita, Institut Français du Mali, Galerie Médina et Lycée de Filles Ba Aminata Diallo.
Les rétrospectives de la 13e édition sont consacrées au travail de Daoud Aoulad Syad (Maroc), Maria Magdalena Campos Pons (Cuba/USA), Samuel Fosso (Cameroun), Joy Gregory (Jamaïque/UK), Jo Ractliffe (Afrique du Sud). Attention également à la programmation du festival OFF qui propose avant tout de nombreuses expositions en plein air dans les rues de Bamako pour sensibiliser le public aux enjeux environnementaux et sociaux.
Quelques questions à Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, le directeur artistique des Rencontres de Bamako :
Racontez-nous l’aventure de cette 13e édition des Rencontres de Bamako…
La Biennale se présente comme unique. Chaque édition a ses propres caractéristiques. Il s’est avéré plus difficile à organiser et pour diverses raisons. Qu’il s’agisse de la pandémie de Covid ou de l’embargo prolongé sur le peuple malien, depuis deux ans nous avons tous dû trouver des solutions pour fonctionner malgré les moyens limités dont nous disposions. Parfois, cela signifiait être capable de se réinventer. Ainsi, avec nos frères et sœurs de tout le continent africain et du monde africain, nous avons réussi à célébrer l’esprit des générations, notre multiplicité, nos différences, notre avenir et notre héritage – philosophique, immatériel, matériel et autre . Avec ce projet, nous avons nié le mythe d’une seule identité, d’une seule épistémè, d’un seul récit, le mythe de la monoculture ou de l’universalisme. Au lieu de cela, nous avons défendu la pluralité des savoirs, la pluralité des êtres, la spiritualité et la pluriversalité.
Que signifie le titre que vous avez choisi pour cette édition : « Maa ka Maaya ka caa yere kono » ?
Le thème de cette année est inspiré de la phrase Bâ d’Amadou Hampâté en Bambara, la langue véhiculaire du pays, qui signifie « Il y a plusieurs personnes d’une personne dans une personne ». Beaucoup m’ont demandé pourquoi j’insiste sur un titre et pourquoi je me concentre sur le bambara au lieu de l’anglais et du français dans le titre. Au-delà de l’évident discours colonial, avec lequel je ne veux pas vous ennuyer, je considère le langage, comme l’art, comme un prisme à travers lequel nous percevons et comprenons le monde. Et tout comme un prisme divise la lumière blanche en au moins sept couleurs, le langage divise également notre vision du monde en plusieurs parties. Accordons-nous le privilège de percevoir le monde à travers le prisme du bambara.
A propos des artistes invités…
Cette année nous avons invité 75 artistes du monde africain et un collectif de 20 artistes du mouvement Dalit en Inde. Il était important pour nous de ne pas diviser ou du moins catégoriser les artistes selon leur pays ou leur nationalité. Ils viennent du Caire, du Cap, de Sao Paulo ou de Bamako… et j’en passe. Fait important, chaque artiste de cette 13e édition apporte avec lui un regard clair sur le monde d’un point de vue très spécifique. Et l’art et la culture, plus que toute autre chose, peuvent permettre une telle vision du monde kaléidoscopique à une époque où le reste du monde choisit la vision en tunnel, l’étroitesse et le nombrilisme. L’art et la culture sont la quintessence par excellence de notre société. Ils jouent un rôle très important pour assurer notre santé, notre économie, notre politique et notre bien-être social.
Dans la programmation, avez-vous établi des passerelles entre photographie et musique ?
Oui, bien sûr, je fais notamment référence au grand gagnant Baff Akoto – Seydou Keita pour Leave The Edges, un documentaire mêlant danse, musique et poésie pour explorer l’Afrique et ses diasporas. Dans notre programme public, nous avons également invité plusieurs musiciens et DJs à retravailler notre thème « Maa ka Maaya ka caa yere kono » : Afel Bocoum, Songhoy Blues, Sahel Roots et Aratan N’Akalle.