Les casinos en ligne illégaux ont profité du confinement

Posté le 9 février. 2021 à 10:31

Wild Sultan, Lucky8, Casino Joka, WinOui, Tortuga, Magicazz, VegasPlus… Les casinos en ligne sont interdits en France, pourtant c’est à portée de clic. Ces sites, généralement avec une licence de jeu à Curaçao et souvent avec une filiale basée à Chypre moyennant des frais, sont même éligibles aux comparaisons ! Surtout, ils abondent… Selon une étude en cours menée pour le compte du syndicat des casinos traditionnels des Casinos de France et de l’association des opérateurs de jeux en ligne agréés AFJEL, plus de 1 000 sites de casinos en ligne sont actuellement disponibles depuis la France, dont plus de 200 où vous pouvez ouvrir un compte.

Les chiffres qui ont motivé la mobilisation d’une nouvelle instance de régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard, l’Autorité nationale des jeux (ANJ), qui chapeaute depuis juin 2020 la Française des Jeux, PMU, et les acteurs des jeux en ligne autorisés (paris sportifs, paris hippiques, tisonnier). Seuls les casinos traditionnels, encore sous tutelle ministérielle, échappent à son contrôle. La présidente de l’ANJ Isabelle Falque-Pierrotin fait même de la lutte contre les approvisionnements illicites une priorité de son plan stratégique 2021-2023.

Confinement

« Les jeux d’argent en ligne ont pris de l’ampleur avec la crise sanitaire, accompagnée de la croissance des jeux illégaux », souligne-t-il. « A un moment donné, lors de la première détention, l’offre légale sur Internet a été sévèrement restreinte, notamment en cas de quasi-arrêt des paris sportifs faute de concurrence », informe l’ANJ.

Avant la crise sanitaire, le nombre de joueurs français sur les sites de casino en ligne était estimé à 0,3-0,7 million. Or, le pouvoir d’attraction de ces sites illégaux, très intrusifs et attractifs en termes de qualité graphique, serait en réalité bien supérieur, selon une enquête menée sur Internet par Harris Interactive en mai 2020 pour le compte de certains opérateurs, dont PokerStars et le Groupe Parenté. (Unibet).

Selon ce sondage, 4% des sondées ont avoué avoir joué dans un casino en ligne avant d’accoucher, soit 1,4 million au total, soit 13% des joueurs en ligne. Et 6% des Français interrogés ont déclaré vouloir jouer le jeu après la clôture, soit 2,2 millions de joueurs. En conséquence, le marché des casinos en ligne peut être estimé entre 711 et 1,1 milliard d’euros en termes de revenus bruts des jeux (GGR, différence entre les mises et les joueurs gagnés).

Paradoxe

Paradoxalement, la lutte contre les transferts illégaux semble porter ses fruits. En 2020, 141 sites illégaux ou 322 noms de domaine liés ont ainsi été épinglés, contre 127 en 2019 pour 322 noms de domaine. En effet, le nombre d’opérateurs illégaux qui ont accepté d’agir suite à un simple avertissement ou une mise en demeure a augmenté d’année en année, avec le nombre de sites illégaux bloqués à 60 en 2020, contre 108 sites un an plus tôt. Chiffres vraiment déroutants…

Car la première incarcération a provoqué, comme le relève l’ANJ, un affaiblissement de la lutte contre les partis illégaux du fait du ralentissement de l’appareil judiciaire. L’ANJ, comme l’ancien régulateur des jeux en ligne (Arjel), doit en effet saisir le Tribunal de Paris, qui ne peut traiter qu’une dizaine de dossiers tous les deux mois, dans le cadre d’une première procédure visant la plateforme identifiée. De plus, il existe une procédure simplifiée, dite

Capacité administrative

Face à la vigueur des corsaires en ligne, le président de l’ANJ demande plus que jamais que le régulateur soit doté d’un « pouvoir administratif de blocage », laissant l’ANJ sans recours judiciaire. « La plupart de nos homologues ont cette capacité, précise Isabelle Falque-Pierrotin. Obtenir un tel privilège signifie passer par la loi.

La présidente de l’ANJ souhaite également « enrôler » les moteurs de recherche et les réseaux sociaux pour l’aider, notamment pour informer les joueurs sur le caractère illégal des sites de casinos en ligne, ce qui est clairement méconnu aujourd’hui.

Cependant, le développement de ces sites addictifs risque de relancer le délicat débat sur l’autorisation des jeux de casino en ligne en France. Le sujet est d’autant plus gênant que, dix ans après l’entrée en vigueur de la loi de 2010, les offres illégales ont été stoppées sur les segments de jeux autorisés et réglementés. Les opérateurs agréés mettent en garde contre ce phénomène invasif dans un futur proche. Quant aux casinos traditionnels, ils sont perdants sur toute la ligne car ils sont soumis à un arrêt administratif prolongé dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire.

La nouvelle feuille de route de l’ANJ

Huit mois après son installation, la présidente de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), Isabelle Falque-Pierrotin, a élaboré sa feuille de route. Le nouveau bureau lance un « plan stratégique 2021-2023 » avec trois grands objectifs pour 2021, dont le premier est la lutte contre les approvisionnements illégaux. Le second est d’adapter la communication aux joueurs et de leur apporter du service là où ils se trouvent, notamment sur les réseaux sociaux et en travaillant plus étroitement avec les opérateurs. Enfin, le troisième concerne la veille sur les nouvelles pratiques et leurs conséquences – blockchain, crypto-monnaies ou encore intelligence artificielle, en intégrant ses propres compétences.