Poker en ligne : GGPoker défie PokerStars pour son leadership mondial

PokerStars perd sa couronne et GGPoker est le nouveau roi. Cette formule quelque peu provocatrice est signée Pokerfuse, le premier site à attendre il y a quelques jours sur ce changement historique de hiérarchie, du moins sur le papier. Car oui, pendant quinze ans, la salle de pique rouge a été le leader incontesté de l’industrie mondiale du poker en ligne. Un titre qu’elle avait conquis dans la foulée de l’UIGEA et de l’exil forcé du parti américain.

Depuis, aucun acteur n’est parvenu à contester sérieusement la domination du PS. Que ce soit à l’époque Scheinberg ou Amaya, même les principaux concurrents sont loin derrière. Cependant, les chiffres recueillis par Pokerscout sont désormais impossibles : sur les sept derniers jours, les tables de cash de GGPoker ont réuni en moyenne 5 000 joueurs alors que certains PS ont atteint un pic de 4 800 unités.

Arrivées aux manettes il y a quelques mois, les équipes de Flutter Entertainment sont-elles les premières responsables de cette humiliation ? Et surtout, cette deuxième place est-elle destinée à durer ? L’un des graphiques présentés dans l’article de Pokerfuse nous permet d’entrevoir quelques réponses à ces deux questions :

Ce qui saute aux yeux à la lecture de cette courbe, c’est que le changement de hiérarchie résulte autant de l’érosion incessante de la fréquentation de PokerStars depuis dix ans que de la croissance de la popularité de GGPoker ces dernières années. Doit-on y voir la conséquence du Black Friday, du transfert d’Isai Scheinberg, du virage loisir pris par Amaya ou encore de l’évolution de la politique de rake de la salle ? Bien que tous ces facteurs aient probablement joué un rôle, la réalité est beaucoup plus mitigée qu’il n’y paraît.

Pour comprendre, il faut remonter onze ans en arrière. A l’époque, la rentabilité des salles de poker dépendait essentiellement du succès de leurs tables de cash game. L’indicateur choisi par Pokerscout est alors particulièrement pertinent, et Club Poker s’y appuie également régulièrement pour identifier chaque mois les grandes tendances d’un marché français en plein essor. Oui, mais voilà, une petite révolution est déjà en marche dans les coulisses.

Non, ce n’est pas le Black Friday : son impact sur la courbe est certes brutal mais il ne déclenche pas de tendance durable. Plus furtivement, l’arrivée d’un nouveau format de jeu à l’été 2013 va rebattre les cartes : l’Expresso de Winamax, premier d’une longue lignée de sit’gos à prix aléatoires baptisés Spin & Go, SNG Jaqkpot ou encore Spins. Car oui, si au fil des années le segment du cash game a vu son importance diminuer progressivement dans les revenus de PokerStars et des autres acteurs de l’industrie, c’est avant tout parce que ces sit on the times ont remplacé cela. Et si vous en doutez encore, consultez notre collection d’articles consacrée au dernier rapport trimestriel de l’ANJ :

L’armada d’analystes et de statisticiens du CP

L'armada d'analystes et de statisticiens du CP

Un ou deux prélèvements et une règle de trois permettent de déterminer les parts respectives des différents segments dans le GGR global des opérateurs : seulement 10 % pour les MTT (12 millions d’euros), 25 % pour les tables de cash game (30 millions) et … 65% pour les Sit&Go (78 millions). Une répartition qui confirme la métamorphose spectaculaire du secteur en une petite décennie.

Si la fréquentation des tables de cash game décline irrémédiablement depuis huit ans, c’est aussi la raison. Faut-il oublier l’indicateur du roi Pokerscout ? Certainement pas car encore une fois, il permet d’identifier les grandes tendances. Prenons le cas du marché européen : le 20 juin 2018, l’enquête menée par Club Poker plaçait le nombre moyen de joueurs de cash game sur PokerStars Europe à 1 600 unités, et Winamax à 950. Trois ans plus tard, le rapport de force s’est inversé. : 650 unités pour PS Europe et 1 100 pour Winamax. Le développement des Spins et Expresso n’explique donc pas tout.

Globalement, la tendance est encore plus prononcée. Mais encore une fois, PokerStars a des circonstances atténuantes. La principale ne souffre d’aucune contestation : l’influence territoriale de l’opérateur est moindre que celle de son principal concurrent, et l’écart s’est encore creusé ces deux dernières années, grâce à une politique plus favorable de Flutter pour considérer les régulateurs nationaux. Comprenez par là que dans les marchés dits « gris », c’est-à-dire où l’incertitude demeure sur les intentions du législateur, le PS a tendance à prendre plus facilement ses distances, souvent avec l’espoir de mieux revenir plus tard quand le nez s’en va. clairement détendu. En septembre 2020, PokerStars, par exemple, a cessé ses activités en Chine, à Taïwan et à Macao (même s’il faut relativiser l’impact de cette décision). Auparavant, la salle s’était également retirée des marchés chypriote et serbe. Et qui dit moins d’emprise territoriale dit bien sûr qu’il y a moins de joueurs qui poussent dans les listes d’attente…

Cependant, toutes ces considérations ne remettent en aucun cas en cause le caractère spectaculaire des performances de GGPoker. En bon ambassadeur, Daniel Negreanu a d’ailleurs pris soin de le souligner dans une déclaration adressée à Pokerfuse : « GGPoker, leader du plus grand nombre de cash games, est tout simplement le résultat d’un travail très acharné de la part de nombreuses personnes, et aussi le témoignage d’un grande communauté de joueurs qui appellent GGPoker leur maison, nos jeux, promotions et prix. Et pourtant, vous n’avez rien vu ! ».

Sa stratégie de conquête, la salle l’a mené dans tous les domaines : développer une offre de jeu compétitive pour chaque profil de joueur ; l’apparition d’événements de référence pour les gros joueurs comme pour les spectateurs, comme le Super Million$ hebdomadaire ; une prestigieuse composition Pro Team autour de Daniel Negreanu, ElkY ou encore Fedor Holz ; et bien sûr des partenariats exceptionnels comme la collaboration avec les World Series Of Poker autour des WSOP Online. En quatre ans, la salle s’est transformée avec succès pour devenir non seulement l’un des terrains de jeux préférés des Asiatiques, mais bel et bien l’endroit où il faut être aux yeux des joueurs du monde entier.

« Lancée à la conquête de l’Asie », écrivait-on en avril 2020 dans la foulée du recrutement d’ElkY, « la salle GGNetwork a depuis étendu son influence à d’autres marchés et occupe désormais la quatrième place dans la hiérarchie mondiale ». Un an plus tard, tous ses concurrents sont dans le rétroviseur. Pour combien de temps? Quant à PokerStars, le jeu ne fait que commencer. En mars, Flutter a annoncé son intention d’investir massivement dans le poker après plusieurs années marquées par une diversification dans les paris sportifs et les jeux de casino. Pour reprendre définitivement le premier pas, il faudra ça.